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Chypriotes et Lettons bousculent les grandes nations

LE MONDE | 13.06.05 | 13h26
Venise de notre envoyé spécial
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A l'ordre habituel du marché de l'art et son axe germano-américain, la 51e Biennale oppose un singulier désordre. La géographie de la création y est sens dessus dessous, les marges plus importantes que les centres. Ce qui se traduit dans la géographie vénitienne par un déplacement. Visitant les pavillons nationaux, on reste moins longtemps dans les Giardini, où sont les"vieilles" nations de l'art, pour rechercher dans la cité les représentations de pays qui, jusqu'ici, demeuraient invisibles.

Là-bas sont les découvertes, rares aux Giardini. Par sécurité, les grandes et moyennes puissances ­ les pays occidentaux ­ y ont délégué les oeuvres immédiatement reconnaissables d'artistes dont la réputation a plusieurs décennies. Les tableaux d'usines et d'entrepôts par temps gris de l'Américain Ed Ruscha datent des dix dernières années, mais réactivent son pop minimaliste et géométrique des années 1960 et 1970.

Les montages des Britanniques Gilbert & George semblent choisis pour leur côté décoratif et leur chasteté : on peut les montrer aux enfants, ce qui n'est pas le cas des meilleurs Gilbert & George. Le pavillon allemand est moins attendu, mais raté : ni les abstractions laborieuses de Thomas Scheibitz ni les plaisanteries plus laborieuses encore de Tino Sehgal ne retiennent longtemps.

Une tendance se dégage de ces pavillons, ni de thèmes ni de formes, mais de moyens : une tendance au tour de force réussi grâce à des technologies. Soit, plus crûment : beaucoup d'argent pour un peu de spectacle. Hans Schabus transforme le pavillon autrichien en montagne d'une vingtaine de mètres de haut à grand renfort de structures et de bâches tendues et n'obtient qu'une attraction pour parc de loisirs. La Canadienne Rebecca Belmore projette une vidéo sur un rideau d'eau, mais cet écran liquide ne rend pas meilleure sa vidéo d'une femme au bord de la mer.

Le pavillon russe est à moitié occupé par un sombre et long couloir en contreplaqué dans lequel le Provmyza Duet fait passer du vent grâce à un système de soufflerie ­ système qui est aussi celui dont Annette Messager se sert, plus subtilement mais après bien des scénographes, pour soulever le grand voile rouge de l'installation principale de Casino. La même emploie aussi un tremplin articulé et automatique pour faire sauter en l'air des dés et des corps de tissu. Virtuosités encore : les sculptures en bois de l'Australien Ricky Swallow, qui ressemblent à du papier, ou les tirages en noir et blanc du Japonais Miyako Ishiuchi, si splendides qu'ils ne suscitent aucune émotion alors que l'artiste a voulu évoquer sa mère disparue.

Dans ce concours d'adresse, où l'installation programmée par ordinateur et la vidéo de qualité professionnelle l'emportent, rares sont ceux qui ne perdent pas tout esprit critique et autodérision. Exceptions : l'Israélien Guy Ben Ner et son arbre à fabriquer soi-même en détournant des éléments de meubles en kit ; également, l'installation du Belge Honoré d'O associe de vraies machines, de fausses structures de tuyaux inutiles et un sol en bouteilles de bière. On s'y égare sans y comprendre grand-chose, ce qui vaut mieux que les démonstrations bavardes et bien-pensantes assénées chez les Danois et les Suisses.

Mais le meilleur des Giardini est le pavillon espagnol. Antoni Muntadas y récapitule sa réflexion sur l'information et la désinformation, les codes de la communication et leurs sous-entendus en multipliant écrans, livres, documentations et images. De la géographie du monde, il fait son sujet ­ de ses déséquilibres, donc. Sur un écran apparaissent les noms de la centaine de pays qui ne sont d'aucune façon présents à Venise : d'Afrique, d'Asie ou d'Océanie, ils sont trop pauvres pour jouer au grand jeu de l'art international. On sent ici à l'oeuvre une pensée et une nécessité inscrites dans une forme.

Ces exigences sont celles qui distinguent les meilleures des interventions dispersées dans la ville. Le plan de la Biennale à la main ­ juste mais un peu elliptique ­, il faut aller chercher au fond d'une ruelle l'installation vidéo de Jonas Mekas pour la Lituanie. Elle s'appelle ­ - hasard ? ­ - Célébrations du petit et de l'individuel au temps de la démesure et fait voir ce qui peut encore rester de simplicité et d'amitié dans les rapports humains. Quelques écrans suffisent, quand celui qui filme a la justesse de regard de Mekas.

Au premier étage de la Fondation Levi se trouve l'installation de l'Iranien Mandana Moghaddam, un bloc de béton et quatre très longues tresses de cheveux : une réussite absolue à la symbolique délibérément ambiguë. Dans le même quartier sont aussi les Chypriotes Panayiotis Michael et Konstantia Sofokleous, aux étranges dessins animés et immobiles, et les Lettons du groupe F5, dont le Dark Bulb plonge dans le noir pour forcer le visiteur à s'interroger sur son mode de perception visuelle.

Tout près, le Luxembourgeois Antoine Prum projette son bruyant, loufoque et très gore Mondo Veneziano, parodie sauvage du monde de l'art, ses commissaires, ses experts et ses discours. Ne partez pas avant le générique final : le plus drôle est dans la liste des auteurs cités. Il ne faut pas non plus manquer l'ensemble des vidéos et photos de l'Estonien Mark Raidpere, qui pourrait bien être la révélation de cette Biennale. De ces nouveaux venus, on reparlera vite.

Philippe Dagen
Article paru dans l'édition du 14.06.05
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